Covid-19 : « L’effet visible de la pandémie sur les finances des aéroports africains a été plus modéré » (SG ACI Afrique)

Publié le 22 Déc, 2020

L’effet dévastateur de la pandémie sur le secteur des transports aériens partout dans le monde est indéniable. Seulement en Afrique contrairement à l’Europe où plusieurs aéroports sont au bord de la faillite en raison des pertes liées à la Covid-19, l’effet visible de la pandémie sur les finances des aéroports a été plus modéré. Le Secrétaire général de ACI-Afrique qui nous explique les raisons de cette situation, nous livre aussi les besoins des aéroports sur le continent, les mesures et plans mis en avant pour une réouverture durable, sure et efficace des frontières aériennes à long terme. Un entretien à bâton rompu avec Ali TOUNSI pour le lancement de votre site www.airactu.info.

Airactu.info : Quel est l’impact de la crise sanitaire mondiale sur l’activité des aéroports africains ? Quelles sont les perspectives et projections de l’ACI Africa post Covid 19 ?

L’impact de la pandémie de COVID-19 sur l’industrie aéronautique a été et continuera d’être sans précédent dans son ampleur et sa portée pour l’industrie. La propagation rapide du virus a incité les gouvernements à restreindre rapidement les voyages et à fermer les frontières pour limiter le taux d’infection. Cela a eu un effet catastrophique sur l’industrie du transport aérien dans le monde, y compris sur les chiffres du trafic aérien et les revenus correspondants, et a laissé une empreinte indélébile sur nos activités et cela ne peut pas être récupérer aussi rapidement que nous le souhaitons.

Le ralentissement du trafic passager dans les aéroports africains, a commencé à partir de la mi-mars et a connu un quasi-arrêt de mai à juin, avec une baisse de 97% du trafic par rapport aux prévisions de l’année 2020 sans COVID-19. Un redémarrage très lent a été observé au cours du dernier trimestre de 2020 avec la réouverture progressive des frontières aériennes mais la confiance dans les voyages n’est pas encore au rendez-vous, surtout avec la deuxième vague de la pandémie de COVID-19, comme on peut le constater dans les autres continents.

Dans une étude de l’ACI, faite en décembre 2020, la baisse attendue du trafic pour l’année 2020 par rapport aux prévisions sans COVID-19, serait de l’ordre de 69.5%, avec des baisses de 97.4% et de 84% enregistrées au deuxième et troisième trimestre respectivement.

La reprise du trafic aérien en Afrique, basée sur un scénario optimiste avec le déploiement des vaccins dès la fin de cette année, ouvre la voie à un retour des chiffres du trafic de l’année 2019 en 2023/24.

Airactu.info : Selon ACI Europe, 193 aéroports européens sont au bord de la faillite en raison des pertes liées à la Covid-19, les aéroports africains sont –ils exposés à ce risque ?  Que pensez-vous de l’appel à l’aide de la communauté de l’aviation mondiale adressé aux gouvernements pour la survie du secteur ?

La baisse du trafic passager dans les aéroports africains a eu un impact direct sur les revenus des aéroports.

La perte globale des revenus des aéroports africains pour l’année 2020 par rapport à un scénario sans COVID-19 pour la même année devrait atteindre un pourcentage de 69.1%, soit environ 3 milliards de dollars américains.

En Afrique, la plupart des aéroports étant sous contrôle gouvernemental, l’effet visible de la pandémie sur les finances des aéroports a été plus modéré et nous n’avons pas connaissance des aéroports qui sont au bord de la faillite comme en Europe ou ailleurs. Cependant, cela ne signifie pas que le gouvernement renfloue purement et simplement les aéroports africains.

Les aéroports africains ont aussi besoin d’aide pour atténuer les défauts de paiement des dettes en cours et les pertes potentielles pour les créanciers en raison de la fermeture des frontières et les restrictions de voyage.

L’ACI Afrique a plaidé auprès de diverses instances du continent pour que les États soutiennent et atténuent l’impact financier de la pandémie et stimulent la reprise à travers les mesures suivantes :

  • Garantir l’accès au financement, par ex. les garanties de prêts du gouvernement ou le financement de la dette
  • Suppression des frais de concession aéroportuaire
  • Allégement fiscal pour le secteur de l’aviation
  • Fournir une aide gouvernementale, par ex. subventions
  • Prise en charge des coûts des mesures de santé publique

L’ACI Afrique a également encouragé les aéroports africains à étudier les mécanismes suivants pour atténuer l’impact financier de la pandémie sur leurs activités :

  • Remises temporaires ou rabais sur les redevances pour soutenir la reprise du trafic et pour le développement du trafic.
  • Mécanismes de report : les redevances aéroportuaires pourraient éventuellement être différées et recouvrées sur une période de plusieurs années et à un taux d’intérêt à déterminer ou à négocier.

Airactu.info : Quelles sont les mesures prises par l’ACI Afrique pour gérer la crise ?

Depuis la mi-mars 2020, l’ACI Afrique a été en avant de cette crise pour la région Afrique en fournissant des mises à jour quotidiennes du COVID-19 et en partageant les lignes directrices, les meilleures pratiques et les procédures sur le COVID-19 et sur la phase de reprise à l’ensemble de la communauté aéronautique du continent.

L’ACI Afrique a été parmi les premiers à publier un guide complet sur le redémarrage dans les aéroports africains très tôt durant la pandémie, c’est-à-dire vers la mi-mai. Ce guide pratique a été conçu pour permettre aux aéroports africains de mettre en place un plan opérationnel adéquat pour permettre la réouverture sure et efficace des frontières aériennes.

Les lignes directrices et recommandations de ce guide ont servi de feuille de route à tous les aéroports africains pour préparer leur nouveau plan de continuité des activités de la manière la plus coordonnée, cohérente et efficace. Le guide est basé sur six piliers clés qui, selon l’ACI Afrique, sont essentiels pour restaurer la confiance des voyageurs dans les aéroports africains, à savoir :

  • Une bonne préparation
  • Un personnel motivé
  • Un aéroport sain
  • Une expérience saine
  • Une communication robuste
  • Une viabilité financière

Outre les nouvelles mesures de santé à adopter et à mettre en œuvre dans les aéroports, le guide couvre également les fondamentaux de l’aviation, qui restent la sûreté et la sécurité. Des opérations sûres et sécurisées à tout moment sont une condition préalable essentielle au redémarrage des activités aéroportuaires et au développement ultérieur du trafic aérien. Il convient donc de veiller à ce que toute stratégie de réduction des coûts en ces temps de crise ne compromette pas ces deux piliers prioritaires de l’aviation.

Depuis le mois de mai 2020, l’ACI Afrique a organisé et animé 10 webinaires sur divers sujets allant des plans de redémarrage à la sécurité et la technologie.

Depuis juillet, l’ACI Afrique a pris l’initiative audacieuse d’offrir des cours de rafraîchissement gratuits en anglais et en français à ses membres par le biais de classes virtuelles dirigées par des instructeurs africains. La première vague de ces cours a été couronnée de succès et a bénéficié à environs 200 membres du personnel des aéroports africains.

Alors que l’industrie aéronautique commence à redémarrer et à planifier une reprise durable à long terme, de nombreuses nouvelles mesures sanitaires ont été introduites dans les aéroports pour limiter la propagation du virus et aider à rassurer le public voyageur sur la sécurité des voyages aériens. Pour aider les aéroports à se conformer aux nouvelles mesures sanitaires et pour renforcer davantage la confiance des passagers dans le processus mis en place, l’ACI a mis au point le programme d’accréditation sanitaire des aéroports (AHA) qui peut fournir à un aéroport une évaluation des mesures mises en place en alignement avec les lignes directrices de l’ACI sur la reprise des activités de l’aviation et sur les recommandations de CART (Council Aviation Recovery Taskforce) de l’OACI.

Au 10 décembre 2020, 42 aéroports africains ont adhéré au programme AHA et 15 aéroports sont déjà accrédités confirmant la conformité aux meilleures pratiques de l’industrie en termes de protocoles sanitaires.

Pour aider les aéroports à mieux communiquer avec les passagers sur les protocoles sanitaires mis en place dans les aéroports, l’ACI a également développé une application, Check & Fly, pour aider les passagers à accéder directement aux informations sur les mesures mises en place dans les différents aéroports. L’application est présentement disponible sur l’App Store d’Apple et sur le portail Web.

Airactu.info : Êtes-vous rassurés par les mesures sanitaires prises au niveau des aéroports africains pour freiner les cas importés ?

La majorité des aéroports africains sont déjà ouverts aux vols commerciaux ayant au préalable mis en place les protocoles sanitaires de bases recommandés.  Les différentes mesures prises par les aéroports africains visent à redonner confiance aux passagers. 

Ainsi, le programme Airport Health Accreditation (AHA) de l’ACI réconforte davantage cette confiance en offrant les avantages suivants aux aéroports accrédités :

  • Permettre à l’aéroport de démontrer aux passagers, au personnel, aux régulateurs et aux gouvernements que la priorité est accordée à la santé et à la sécurité d’une manière mesurable et établie.
  • Permettre à l’aéroport de valider leurs propres mesures dans l’ensemble de leurs installations.
  • Rassurer le public voyageur en utilisant les installations de ces aéroports accrédités.
  • Promouvoir la reconnaissance de l’excellence professionnelle dans le maintien d’installations hygiéniques sûres dans ces aéroports.  

Airactu.info : Le passeport sanitaire ne constitue-t-il pas un frein pour la croissance du trafic aérien interafricain ?

Au contraire, dans cette période de crise liée à la pandémie, où les passagers sont réticents à voyager, le passeport sanitaire contribuera à leur redonner confiance dans les voyages, surtout au niveau interafricain.  Cette confiance engendra éventuellement une croissance dans le trafic qui ne peut être que bénéfique pour l’industrie.  

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