Desserte USA/Afrique: Les compagnies africaines ont une grande potentialité qu’elles peuvent exploiter avec des stratégies communes (Achma ASOKAN, PDG AirlinePros)

Publié le 11 Mar, 2021

Basée aux États-Unis, AirlinePros a été créée par deux professionnels du transport aérien, James Foster, qui travaillait auparavant pour Northwest Airlines (USA) et Dragon Air (Hongkong) et Achma Asokan, qui travaillait auparavant pour Air Namibia, Air Seychelles et IATA à Genève. AirlinePros International compte actuellement plus de 50 anciens professionnels de compagnies aériennes qui travaillent pour soutenir ses clients. AirlinePros International fournit des solutions de support aux compagnies aériennes et aux aéroports en se concentrant sur l’augmentation de leurs revenus via divers canaux et la réduction à la fois de leurs coûts d’infrastructure et de leurs coûts de distribution de ventes. Airactu.info reçoit comme l’invité de ce mois de mars, la PDG de la société Achma Asokan qui présente la structure comme une organisation de services commerciaux de nouvelle génération, multiculturelle et multiethnique.

Airactu.info: Le secteur des transports aériens traverse une crise mémorable avec cette pandémie de coronavirus, comment avez-vous ressenti l’impact sur vos activités?

Achma ASOKAN : La pandémie a sans aucun doute plongé le secteur des transports aériens dans une situation sans précédent, incitant les gouvernements du monde entier à apporter un soutien à leurs compagnies aériennes locales comme jamais auparavant. La pandémie a mis en évidence pour de nombreux gouvernements la nature de « services essentiels » d’une compagnie aérienne pour leurs économies respectives.  La pandémie n’a pas fait de différence entre les grandes compagnies aériennes et les petites, elle n’a pas fait de différence entre les compagnies aériennes rentables et non rentables, elle n’a pas fait de différence entre les « compagnies battant pavillon national et celles privées ». La réalité est que la fermeture des frontières a également empêché la plupart des compagnies aériennes de générer des revenus sans pour autant réduire une grande partie des coûts.

Le modèle commercial d’AirlinePros est basé uniquement sur les coûts variables, la base de succès pour nos compagnies aériennes clientes, en conséquence de quoi, nous avons connu la même situation que les compagnies aériennes mais, heureusement, avons également bénéficié du soutien du gouvernement. Sur une note positive, je pense que les compagnies aériennes et les entreprises comme nous ont été en mesure de revoir, de réévaluer et de se restructurer pour devenir plus efficaces, performantes et économiquement viables à l’avenir.  

Airactu.info : Les plus optimistes se projettent sur 2022-2023 pour la reprise, quelle est votre lecture de la situation relativement aux informations que vous avez de vos clients ?

Achma ASOKAN: La pandémie a duré plus d’un an, avec des personnes qui ont dû être seules, socialement éloignées et/ou mises en quarantaine! Cela a occasioné une demande refoulée de voyages sans précédent, notamment les VFR (les visites à des proches ou amis), de sorte qu’il est très probable que les voyages reprendront assez rapidement une fois les vaccins reçus, ce qui pourrait intervenir vers juillet 2021. Il faudra cependant un certain temps pour retrouver les niveaux de trafic antérieurs. Les États-Unis, en tant que terre d’immigration, seront très probablement les premiers à connaître une reprise du trafic VFR.

Airactu.info: L’Afrique semble être beaucoup plus résiliente dans le domaine des transports aériens face au COVID. Si c’est aussi votre avis pourquoi cet état de fait?

Achma ASOKAN: En Afrique, la population est d’environ 1.378.399.000 personnes et 3.900.000, soit 0,28% seulement ont contracté le COVID et 104 000, soit 2,7%, sont décédées.

Aux États-Unis, la population est de 331.002.651 habitants et 29.258.941 personnes, soit 8,8 %, ont contracté le COVID et 529.527, soit 1,8 %, sont décédées.

J’aimerais croire que l’Afrique dispose d’un « JUJU » spécial qui l’a aidé à maintenir le nombre de personnes infectées à un niveau très bas, cependant, il est important de noter que la plupart des zones rurales d’Afrique sont isolées une fois les frontières fermées, donc la fermeture des frontières aux étrangers ou aux contaminateurs peut avoir été un outil efficace en Afrique. Il se peut également que dans certaines régions d’Afrique, la collecte de données ne soit pas exacte à 100 %.

La résilience du secteur des transports aériens en Afrique ou dans d’autres parties du monde dépend de ses résidents et de leur propension à voyager.

La COVID a eu un impact négatif sur la plupart des économies et cela aura un effet d’entraînement sur la demande de voyages. Toutefois, la nature essentielle du transport aérien pour la circulation des biens et des services a incité les gouvernements à fournir le financement nécessaire à leurs compagnies aériennes respectives.

Une réussite africaine est Ethiopian Airlines, qui a opéré avec du fret et de manière très intelligente sur des liaisons spécifiques avec des fréquences gérables tout au long de la pandémie, alors que la plupart des autres compagnies aériennes n’assuraient que des liaisons intérieures et ont dû cesser leurs vols régionaux et internationaux

Airactu.info: Vous représentez plus de 60 compagnies aériennes en Amérique du Nord. Quels sont vos partenaires sur le continent africain?

Achma ASOKAN: Ayant moi-même grandi en Afrique subsaharienne, l’Afrique est ma patrie et l’aviation ma passion. Je crois au potentiel énorme et à la viabilité de l’aviation en Afrique avec les bons ingrédients. L’un des ingrédients les plus importants est de ne jamais laisser un avion décoller avec des sièges vides non payés. Le siège d’un avion allant de Dakar à Abidjan peut être occupé par des personnes venant du Japon, de la Corée, de l’Australie, de l’Inde, des EAU, de la Zambie, du Brésil, du Canada, des États-Unis, etc. en plus des Sénégalais et des Ivoiriens. C’est ce qui génère des recettes pour couvrir les coûts et faire vivre la compagnie aérienne.

Sur le marché nord-américain, nous soutenons les petites et moyennes compagnies aériennes d’Afrique, comme Air Arabia Maroc, Air Algérie, Tunisair, Nileair, Air Sénégal, Air Côte d’Ivoire, Asky (précédemment) Air Burkina, Jubba Airways, Daallo Airlines, Rwandair, Precisionair, LAM – Mozambique, SA Airlink, Air Seychelles, Air Namibia (précédemment) TAAG – Angola, Proflight Zambia, Air Botswana. AirlinePros a constamment augmenté le trafic de ses partenaires sur le marché nord-américain

AirlinePros était à l’origine uniquement basée en Amérique du Nord. En 2019, nous avons décidé de nous étendre à l’échelle mondiale et avons ouvert le premier bureau hors Amérique du Nord en Afrique du Sud et en Zambie avec comme partenaires des professionnels locaux. Par la suite, nous avons ouvert des bureaux au Botswana, au Kenya, en Tanzanie, en Afrique centrale et de l’Ouest et au Nigeria sur le continent africain.

Airactu.info: A votre avis, est-ce que les potentialités réelles des compagnies africaines vers les USA sont exploitées?

Achma ASOKAN: Les compagnies aériennes africaines disposent d’importantes potentialités de trafic en provenance des États-Unis, notamment le « trafic VFR » en raison de la place privilégiée qu’occupe l’immigration dans ce pays. Il y a par ailleurs une énorme demande pour le « trafic de loisirs » en raison de l’énorme offre d’activités comme les safaris avec la faune, les merveilles naturelles, les plages, l’alpinisme, le camping dans le désert, le vélo, le tourisme culturel, l’écotourisme, l’archéologie, les sites historiques, etc., et enfin le « trafic d’affaires » à haut rendement en raison de l’énorme richesse en minéraux et en pétrole et gaz en Afrique. Une grande partie de ce potentiel est aujourd’hui capturée par d’autres compagnies aériennes via leurs hubs en Europe ou au Moyen-Orient.

Les compagnies aériennes africaines peuvent exploiter ce potentiel de manière intelligente si elles travaillent sur des stratégies communes pour créer des joint-ventures (coentreprises) ou conclure des accords de partage de codes qui se soutiennent mutuellement. Il faut toujours garder à l’esprit que pour qu’une compagnie aérienne réussisse, il faut qu’il y ait des personnes ayant la propension à voyager dans les deux sens. Ethiopian Airlines a reconnu la nécessité de travailler avec les gouvernements pour soutenir les économies locales des pays dans lesquels elle opère afin d’augmenter le trafic en créant des compagnies aériennes locales comme ASKY au Togo et Zambia Airways, etc.

Un autre modèle serait que deux compagnies aériennes concluent un accord commercial – par exemple, une compagnie comme Air Sénégal pourrait travailler avec une autre comme Air Côte d’Ivoire pour desservir conjointement les États-Unis – chaque compagnie pourrait assurer trois vols par semaine et procéder au partage de codes pour tous les vols transatlantiques et les vols régionaux d’apport – cela donnerait aux passagers plus de fréquences, ce qui est important pour le trafic d’affaires. Ensuite, à mesure que la demande augmentera, les deux compagnies pourront ajouter des fréquences supplémentaires. Bien qu’il y ait beaucoup de travail à faire pour synchroniser les opérations, cela peut se faire et sera beaucoup plus rentable pour les deux parties.

De même, les compagnies aériennes d’Afrique du Nord, de l’Est et du Sud devraient trouver des synergies pour travailler ensemble afin d’exploiter la demande qui est prise par d’autres.

Airactu.info: Air Sénégal prévoit l’ouverture de la ligne New York ou Washington en 2021, qu’est-ce que vous prévoyez pour une réussite de cette ligne?

Achma ASOKAN: Il s’agit d’une excellente nouvelle et nous avons déjà commencé les préparatifs pour faire en sorte qu’Air Sénégal devienne une compagnie aérienne connue en Amérique du Nord et une compagnie aérienne privilégiée pour les vols transatlantiques.

Le fait d’avoir notre bureau pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre à Dakar, dirigé par Youssou Diop, est important pour être en constante liaison avec le siège de la compagnie.

Nous sommes à l’heure actuelle en pourparlers en vue de nouer des relations interlignes ou de partage de codes afin d’améliorer les possibilités de vols d’apport pour la traversée de l’Atlantique de part et d’autre.

Nous sommes également en train d’enregistrer les coordonnées de l’importante population de la diaspora ouest-africaine aux États-Unis en vue d’annoncer les vols.

Dès que les plans seront finalisés et les vols disponibles à la vente dans les GDS, nous commencerons à travailler sur la mise en œuvre de stratégies de points de vente pour les États américains comptant une importante population de la diaspora ouest-africaine puis sur différentes stratégies pour le trafic de loisirs et celui d’affaires.

Nous allons bien sûr tirer parti des relations existantes entre les entreprises, le gouvernement et le secteur pour essayer de modifier la part de marché et de créer une demande pour Air Sénégal. Nous mettrons à contribution les relations et l’expérience africaine en matière de capacité de négociation.

Nous tirerons également parti de nos relations afin de nouer des partenariats durables avec les associations professionnelles, les chambres de commerce, les organisations de voyage et de tourisme.

Nous sommes intimement convaincus qu’Air Sénégal peut réussir son projet de desserte des États-Unis, à condition de gérer ses coûts avec soin, car il n’y a guère de doute sur la capacité de la compagnie à générer des recettes au sortir de cette crise.

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